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La haute technologie
vestimentaire des Inuits

Se garder au sec
Le manteau en membrane d’intestin de baleine

Le manteau en membrane d’intestin de baleine est un véritable chef-d’œuvre. Il n’en reste que très peu d’exemplaires complets dans le monde. On croit que ce manteau imperméable a été inventé il y a au moins cinq mille ans, soit bien avant les matières plastiques, au milieu du XXe siècle. La membrane d’intestin est un matériau supérieur au plastique, puisque tout en étant imperméable, elle permet d’évacuer la transpiration.

Les manteaux en membrane d’intestin de baleine ou de phoque étaient prisés lors des expéditions de chasse aux animaux marins, exécutées en kayak. Parfaitement étanches, avec des systèmes de fermeture aux poignets et autour du visage, ils assuraient confort et liberté de mouvement aux chasseurs et servaient de coupe-vent.

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1-2. Parka en membrane d’intestin
Articque de l’ouest
20e siècle
Collection du Musée McCord

La matière première
Le vêtement est confectionné à partir de plusieurs bandes longitudinales de membranes disposées à la verticale et reliées entre elles par un point de couture de fils de tendon ne transperçant qu’à demi la membrane afin de conserver au matériau son imperméabilité naturelle.

Préparation des membranes d’intestin de baleine
Les boyaux d’intestin sont nettoyés des matières adhérentes, à l’intérieur et à l’extérieur. Ils sont ensuite remplis d’eau salée, et grattés à l’extérieur pendant que la surface est tendue. Ensuite, ils sont remplis d’urine, changée chaque jour pendant plusieurs jours, puis subissent plusieurs rinçages à l’eau salée. Un trempage dans l’eau douce suit pour cinq jours. Enfin, les boyaux sont séchés, étirés au sol ou suspendus gonflés d’air, puis fendus dans le sens de la longueur, du côté de la courbe extérieure.

Préparation des nerfs de caribou
Les nerfs de caribou sont retirés avec soin des muscles du dos de l’animal. Ils servent à la fabrication du fil de tendon, ils sont étirés sur un panneau à gratter, et les femmes les nettoient à l’aide de leur ulu. Ces nerfs sont ensuite lavés et étalés sur la tente pour sécher au soleil.

Notes sur l’assemblage
Pour assurer l’imperméabilité, les deux rebords de chaque pièce sont repliés avec un ourlet simple avant l’assemblage qui s’avère complexe, puisque la matière première se présente sous forme de bandes étroites. Le fil de tendon utilisé est résistant et, en gonflant à l’humidité, il bouche complètement le trou laissé par l’aiguille et assure ainsi l’étanchéité des coutures. Lisse et rond, il ne déchire pas les peaux. »
Source : Banque de données Design et culture matérielle, objet no 49 (Anutshish.com).

Photographie: Henry Bascom Collins (GA-30-87)
Archives Nationales d'Anthropologie Smithsonian Institution
Photographie prise à Gambell sur les Iles St Laurent en 1930.

Les fourrures pour contrer le froid

« Nos vêtements étaient uniquement faits de peaux d’animaux sauvages, parce qu’autrefois, il n’y avait pas de matériel importé. Des vêtements en peau, c’est tout ce que nous avions. »
Lizzie Irniq, Inuk
« Il y a beaucoup de vêtements différents pour lesquels nous devons maîtriser les techniques de couture. »
Alasie Koneak, Inuk
Le caribou et le phoque sont les principales sources de fourrure pour la confection des vêtements. L’ours blanc et les plus petits animaux, comme le renard, ont des usages particuliers.

Les parkas, les pantalons, les mitaines, les chaussons et les bottes sont en majorité conçus à partir de ces ressources.

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1. Un Inuit en costume traditionnel, vers 1903.
Photographie prise lors de l’expédition de Leonidas Hubbard
Les Musées de la civilisation, 89-3672

2. Parka
Vers 1965
Les Musées de la civilisation, 65-494
Photographie : Jessy Bernier – Perspective

3. Moufle
Peau de phoque annelé
Les Musées de la civilisation, 65-494
Photographie : Jessy Bernier – Perspective

4. Pantalon
Peau de caribou
Les Musées de la civilisation, 68-4016
Photographie : Jessy Bernier – Perspective

Le parka
Le parka est fabriqué avec des peaux non épilées et sert à protéger des grands froids. Il est en fait constitué de deux vêtements distincts: l’un où la fourrure est dirigée vers l’intérieur et l’autre vers l’extérieur. L’été, on ne porte que celui avec le poil vers l’extérieur. Le parka est muni d’un capuchon. C’est un vêtement ample qui permet la liberté de mouvement et qui favorise la récupération de la chaleur émanant du corps.

Minnie Etidloie et Kusugaliniq Ilimasaut, Inuit
Atelier de couture, Kangiqsujuaq
Intervieweurs : Laurent Jérôme et Fabien Pernet
Images : Carl Morasse
Les Musées de la civilisation (Québec), La Boîte Rouge vif et
CURA Leadership and Governance in Nunavut and Nunavik

Les pantalons
On différencie les pantalons en peau de caribou pour hommes de ceux pour femmes par les motifs du patron sur le côté.

Les pantalons étaient aussi fabriqués avec des fourrures de phoque ou d’ours blanc. Les pantalons en fourrure d’ours blanc sont moins lourds que ceux de caribou et sont encore portés aujourd’hui par les chasseurs.


Traitement de la peau de caribou non épilée
La peau encore fraîche est suspendue pour sécher. Elle est étendue, sans être étirée, avec les poils face au sol, et maintenue en place à l’aide de petites pierres déposées sur son pourtour. La peau est ensuite roulée pour être traitée plus tard dans la saison.

Lorsque nécessaire pour la fabrication de vêtements, la peau est raclée à l’aide de deux grattoirs, l’un émoussé et l’autre aiguisé. Cette technique de grattage sert à rendre la peau à l’épreuve de la neige et plus facile à sécher. Après avoir étiré et gratté la peau, la femme l’humecte avec de l’urine humaine (acide tannique rendant la peau imputrescible) et la fait geler à l’extérieur pendant un jour ou deux. Pour la dernière étape, elle retire les tissus de chair restants à l’aide d’un grattoir muni d’une lame très coupante.
Source : Banque de données Design et culture matérielle, objet no 50 (Anutshish.com).

Minnie Etidloie et Kusugaliniq Ilimasaut, Inuit
Atelier de couture, Kangiqsujuaq
Intervieweurs : Laurent Jérôme et Fabien Pernet
Images : Carl Morasse
Les Musées de la civilisation (Québec), La Boîte Rouge vif et
CURA Leadership and Governance in Nunavut and Nunavik

Les pieds au sec et au chaud

Les bottes sont conçues selon le principe du multicouche; jusqu’à cinq couches assurent une parfaite adaptation à toute une gamme de climats : des chaussettes (parfois deux paires), un chausson intérieur, la botte et finalement un chausson extérieur. Traditionnellement, des plumes ou de l’herbe séchée étaient insérées à l’intérieur de la botte pour leurs propriétés isolantes et pour l’absorption de la transpiration.

Les chaussons, en peau de phoque ou en peau d’eider, sont enfilés par-dessus des chaussettes, à l’intérieur des bottes. Certains types de chausson peuvent aussi être portés par-dessus les bottes, gardant ainsi le pied du chasseur encore plus au chaud. L’utilisation minimale de coutures en assure les propriétés isolantes et l’imperméabilité. Grâce à la porosité de ces peaux, la transpiration s’évacue rapidement.

La peau de phoque est utilisée sans application d’enduit pour éviter d’obstruer sa porosité naturelle et ainsi permettre à la transpiration de s’évacuer. Les points de couture ne transpercent pas entièrement la peau, ce qui en assure également l’imperméabilité.

L’entretien de ces bottes est crucial et est assuré par les femmes qui s’appliquent à conserver leur forme et leur souplesse en les mâchant, en les étirant et en les séchant très lentement à l’écart de toute source directe de chaleur.

Un chasseur possède cinq paires de bottes, dont trois pour l’été (elles doivent être séchées pendant deux à trois jours avant d’être réutilisées).

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1. Botte
Nerf, peau de phoque annelé, peau de phoque barbu, fibre, coton
Les Musées de la civilisation, 65-535
Photographie : Jessy Bernier – Perspective

2. Botte
Peau de phoque
Les Musées de la civilisation, 65-548
Photographie : Jessy Bernier – Perspective

3. Botte
Peau de phoque annelé, peau de phoque barbu
Les Musées de la civilisation, 65-596
Photographie : Jessy Bernier – Perspective

4. Chausson en peau de canard eider
Les Musées de la civilisation, 89-1804
Photographie : Jessy Bernier – Perspective

Traitement de la peau de caribou épilée et tannée
La peau est écharnée, c’est-à-dire débarrassée de la chair et de la graisse, à l’aide d’un grattoir en os. Après l’écharnage, elle est épilée, lavée, tendue et séchée. Lorsqu’elle est sèche, elle est regrattée et trempée pendant une journée dans un mélange d’eau, de soupe de poisson, d’urine et de cervelle d’orignal ou de caribou en décomposition (acide tannique rendant la peau imputrescible).

Par la suite, la peau humide est grattée, essorée et séchée sur une perche horizontale. Une fois la peau bien sèche, elle est travaillée avec un long grattoir en pierre pour l’assouplir.

Source : Banque de données Design et culture matérielle, objet no 48 (Anutshish.com).

National Film Board of Canada

Le traitement traditionnel des peaux de phoque
Le phoque est tué et immédiatement éviscéré. L’animal est ensuite écorché afin de récupérer sa peau utilisée pour la confection de vêtements, de sacs, etc.

La peau de phoque destinée à la fabrication des bottes d’été imperméables exige un grattage très précis des poils. Les femmes étendent la peau froide et mouillée sur leur cuisse nue, et la grattent avec leur ulu en la mouillant continuellement pour en retirer les poils. Les femmes retournent ensuite la peau sur leur cuisse, en retirent la chair et l’étirent pour la faire sécher sur la neige. Les peaux de phoque ainsi traitées sont à l’épreuve de l’eau, mais sont très dures et sans souplesse. Elles doivent donc par la suite être mâchées et assouplies avant d’être cousues.

Les semelles des bottes et les lanières épaisses sont généralement faites avec la peau du grand phoque barbu. L’épaisse peau de ce mammifère de très grande taille est coupée en anneaux de dix pouces de largeur qui sont ensuite taillés en spirales pour obtenir de longues lanières. Celles-ci sont par la suite étirées sous grande tension entre deux pierres.
Source : Banque de données Design et culture matérielle, objet no 50 (Anutshish.com).


Assemblage
Une caractéristique importante des chaussures portées par les Inuit réside dans la façon dont la semelle est assemblée et cousue à la tige (changer ce mot). Les points de couture exécutés avec des fils de tendon ne transpercent qu’à demi la peau, et les bottes gardent ainsi toute leur imperméabilité. Le fil de tendon utilisé est très résistant et gonfle à l’humidité, ce qui lui permet de boucher complètement le trou laissé par l’aiguille et d’assurer l’étanchéité des coutures.
Source : Banque de données Design et culture matérielle, objet no 50 (Anutshish.com).

National Film Board of Canada

Les eiders comme ressources premières

Le manteau en peaux de canard est un vêtement aux qualités multiples en grande partie liées à la nature de cette peau qui est constituée d’un épais duvet recouvert de plumes imperméabilisées par l’huile de l’animal. Ce vêtement est léger, durable, imperméable et très chaud, ce qui le rend particulièrement efficace par temps froids accompagnés de neige mouillée. Par temps froid et sec, le vêtement est porté avec les plumes vers l’intérieur, en contact direct avec la peau. Pour les froids extrêmes, deux couches seront superposées, la première avec plumes intérieures et la seconde avec plumes extérieures. La bordure en fourrure de chien est très résistante, chaude et antigivre. Ce manteau est fait de peaux de canard tannées avec les plumes.
Source : KAINE, Élisabeth. « Métissage », Éditions La Boîte Rouge vif, 2004, p.75 et 80.

Selon la partie du vêtement qu’elles servaient à fabriquer, les peaux de jeunes eiders femelles (souplesse) ou de mâles adultes (résistance) étaient utilisées. Pour la confection d’un vêtement pour adulte, jusqu’à 75 peaux étaient nécessaires. Les manteaux en peaux de canard furent principalement utilisés par les cultures inuit n’ayant pas accès aux troupeaux de caribous. Ce type de manteau a été abandonné au début des années 1970 avec l’arrivée des vêtements industriels.
Source : Douglas J. Nakashiwa, 1989.

Manteau en peaux de canard
Inuit, env. 1970
Artisane : Nialikallak
Peaux d’eider, tendons de caribou, fourrure de chien
Îles Belcher, Baie d’Hudson
Les Musées de la civilisation, 72-21

Un vêtement adapté à la vie quotidienne des femmes : l’amauti

Amauti
L’amauti est le vêtement idéal pour les mères qui peuvent y transporter leur enfant logé dans une poche ample et confortable (amaut) dans le dos, sous le capuchon. Ce manteau est doté d’un pan plus long à l’arrière permettant aux femmes de rester au chaud lorsqu’elles s’assoient.

Le patron
Le vêtement est fabriqué de plusieurs peaux de caribou. Le devant provient d’une peau de caribou femelle, les manches et le tour du capuchon proviennent de la peau d’un caribou mâle adulte. Une bande de peau de phoque annelé est également présente sur le devant. Le manteau se porte le poil vers l’intérieur.

Son plan de confection exige un grand savoir-faire, car il faut prévoir l’espace nécessaire pour le bébé qui peut être également transféré vers l’avant, entre autres pour l’allaitement. La ceinture fixée sur le devant du manteau sert à maintenir le bébé en place.

Assemblage des pièces
Les pièces sont cousues par un point de surjet. Une attention particulière est portée au sens du poil : les peaux du devant et des manches orientent les poils du bas vers le haut afin que le vêtement ne remonte pas vers le cou; les poils des parties arrière sont dirigés de haut en bas afin que le bébé soit bien ancré dans l’amauti.

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1. Un groupe de femmes inuit, vers 1903.
Photographie prise lors de l’expédition de Leonidas Hubbardau Labrador et au nord du Québec.
Les Musées de la civilisation, 89-3658

2. Un groupe de femmes inuit, vu de dos, vers 1903.
Photographie prise lors de l’expédition de Leonidas Hubbard
Les Musées de la civilisation, 89-3676

3. Kangiqsujuaq

4. Le patron
Source : Bernard Saladin-d’Anglure, 1970.